Du PIRDES au PIRSEM

27/02/2019 Non Par Romie LOPEZ

Maurice CLAVERIE

Directeur-adjoint du PlRDES (1976-1980),
Directeur du PIRDES (1980-1981),
Directeur du PIRSEM (1982-1992),
Coordinateur des actions interdisciplinaires (1994-1997)

Les PIR dans la politique de la recherche au CNRS

Avant-propos

En 1975, a été créé au CNRS, un programme de recherche interdisciplinaire sur l’énergie solaire (PIRDES).
D’autres contributeurs présenteront le contenu scientifique et technique de ce programme et de son successeur le PIRSEM.
J’ai choisi de présenter le contexte d’organisation du CNRS à cette époque, d’expliquer comment le programme a fonctionné en liaison avec les directions scientifiques, le comité national et les partenaires extérieurs et de montrer l’importance de la motivation des chercheurs engagés dans cette aventure.

L’organisation du CNRS en 1975

Sept départements scientifiques. Leur politique scientifique s’exerce à travers l’affectation de moyens : postes de chercheurs et de personnels techniques, dotation d’équipements, crédits récurrents de soutien de base
Les Actions thématiques programmées en général monodisciplinaires.
Financement des grands équipements
Peu de ressources extérieures, sauf DGRST
Le comité national évalue les chercheurs et les unités de recherche

Naissance des programmes interdisciplinaires de recherche 1976 ‑ 1981

Le directeur général manque de leviers d’action sur la politique scientifique, notamment interdisciplinaires. Pour répondre à cette insuffisance, le concept de programme interdisciplinaire de recherche (PIR) a été proposé par M. Robert Chabbal, alors directeur de la physique, au directeur général du CNRS, au début de 1975, et la création d’un programme sur l’énergie solaire a été approuvée par le conseil d’administration du CNRS en août 1975.

Thèmes de recherche du PIRDES

  • Chaleur solaire : Habitat solaire, Chaleur solaire pour l’industrie Thek, Périclès, Thermochimie solaire
  • Electricité conversion thermodynamique THEMIS
  • Electricité conversion photovoltaïque cellules Si, couches minces, concentration Sophocle
  • Bio-conversion, Biocarburants
  • Météorologie et ensoleillement
  • Socioéconomie de l’énergie

Les autres PIR

  • Pendant cette période 1976 ‑1981, quatre autres programmes ont été créés, ayant une implication sociale ou environnementale :
  • le PIREN programme de recherche sur l’environnement
  • le PIRMED programme de recherche sur les bases des médicaments
  • le PIRPSEV programme pour la prévision et la surveillance des éruptions volcaniques;
  • le PIR Océan,avec la gestion de la flotte océanographique.

Objectifs et actions du PIRDES

Face aux mentalités de l’époque, le concept était révolutionnaire. Il brisait en effet plusieurs tabous : afficher au sein du CNRS un objectif de recherche finalisée, construire des actions de recherche collective pluridisciplinaires, monter des collaborations avec l’industrie, pousser les recherches finalisées jusqu’au stade de composants probatoires ou de prototypes

M. Robert Chabbal avait fait l’hypothèse qui s’est vérifiée par la suite, que la forte motivation des chercheurs en faveur du développement de l’énergie solaire, résultant à la fois de la crise de l’énergie et du mouvement écologiste, allait provoquer suffisamment de vocations de chercheurs réorientant leur activité pour créer une communauté durable.

Mise en œuvre des PIR

Les directeurs de programme rattachés au directeur général, attributions de moyens (postes, budget) et une délégation de signature leur permettant d’attribuer ces moyens auprès de toute unité du CNRS.

Chaque programme a été doté d’un conseil scientifique et de comités d’actions de recherche. Ces structures étaient totalement indépendantes du comité national.

Enfin, ces nouveaux programmes pouvaient  recueillir le financement venant de nouveaux « guichets » créés pendant la même période : notamment la Délégation aux énergies nouvelles, le Commissariat à l’énergie solaire 1978, l’AFME 1982

Impact positif des PIR

Soutenus par la volonté politique du directeur général, ces programmes ont eu une action particulièrement efficace, faisant naître des communautés pluridisciplinaires de chercheurs autour de thématiques finalisées, donnant une forte visibilité à leurs recherches et créant des liens durables avec le milieu économique et social.

Aucune évaluation indépendante n’a été organisé durant l’existence du PIRDES, mais cet impact positif a été confirmé par l’évaluation indépendante du PIRSEM menée en 1987.

Les revers des PIR

Cette situation favorable a été, par contre, mal vécu par les départements scientifiques et le comité national.

Les départements scientifiques ont ressenti comme une perte de pouvoir la possibilité pour les PIR d’attribuer des moyens à leurs laboratoires. Le différent principal portait sur l’attribution de postes de chercheurs. Le comité national a vu son monopole de l’évaluation menacé.

Ces états d’âme seraient restés anecdotiques si quelques chercheurs n’avaient pas attribué à tort ou à raison leurs retards de carrière à leur engagement pour l’énergie solaire ou l’environnement.

Cet impact social n’a jamais été évalué indépendamment et pourrait être étudié dans le cadre de l’étude historique qui démarre.

L’institutionnalisation des PIR 1982 ‑ 1990

En 1982, la réforme des statuts du CNRS, a introduit une notion de compromis les « programmes intéressant plusieurs départements ». Les programmes étaient officiellement nés. Leur liaison avec le comité national était assurée par la création de comités de programme instance du Comité national comprenant des personnalités scientifiques choisis par le directeur général et un nombre au moins égal de membres du comité national, cooptés en son sein.

Programmes interdisciplinaires de recherches créés entre 1982 et 1989

Programme interdisciplinaire de recherche sur les sciences pour l’énergie et les matières premières : PIRSEM créé le 1.1. 82 ; (Maurice Claverie 1982, Benjamin Dessus 1992). Programme interdisciplinaire de recherche sur les matériaux : PIRMAT créé le 29 mars 1982 Jean Hanus 1982, Gérard Beck 1990). Programme interdisciplinaire de recherche sur les technologies, le travail, l’emploi, les modes de vie : PIRTTEM créé en 1984 (Alain d’Iribarne).

Pourquoi le PIRSEM ?

Demandes internes de nos collègues menant des recherches sur l’énergie dès 1980. Préparation d’un projet durant l’année 1981. Affichage par le Min Rech d’une priorité Maitrise de l’énergie et ENR. Création du PIRSEM au 1/1/1982. Création de l’AFME en mai 1982.

Les thèmes de recherche du PIRSEM

  • Energies renouvelables : Géothermie roches séches,
  • Energie solaire
  • Utilisation rationnelle de l’énergie : Habitat, Systèmes industriels, Electrochimie
  • Economie des matières premières
  • Socio-économie de l’énergie

Les ressources du PIRSEM

  • A titre d’exemple en 1982
  • Budget du CNRS  9,6 MF
  • Convention DGRST 6 MF
  • Convention COMES AFME 20 MF

L’AFME continuera la délégation au PIR, héritée du COMES, de la gestion de sa recherche en amont. Par la suite le budget du PIRSEM sera composé de 3 parts égales : CNRS, AFME, Industries.

La rationalisation des PIR 1990‑1996

En 1990, le directeur général M. François Kourilsky décidait de muscler la politique scientifique du CNRS par la préparation d’un plan stratégique global : un plan d’actions dans chaque département; la redéfinition de programmes interdisciplinaires. La réflexion engagée aboutissait à créer ou à redéfinir sept programmes, avec un éventail d’objectifs encore plus ouverts. Il devenait clair que le PIR était la forme privilégiée d’action de politique scientifique de la direction générale.

Les innovations dans la gestion des PIR

Comité d’administration composé de représentants des départements scientifiques. Financement des PIR à travers les contributions des départements. Création d’une procédure d’audit des structures du CNRS qui a été notamment appliquée aux PIR.

Le PIRSEM a été la première structure du CNRS, soumise à un audit indépendant.

Programmes interdisciplinaires de recherche créés entre 1990 et 1995

  • Programme de recherche en biologie structurale : IMABIO créé le 4 avril 1990 (Sylvain Blanquet).
  • Programme de recherche sur les technologies ultimes pour la recherche ULTIMATECH   créé le 4 avril 1990 (Hughette Launois).
  • Programme de recherche sur les sciences cognitives : COGNISCIENCES créé le 17 avril 1990 (André Holley 1990, Jean Gabriel Ganascia 1994).
  • Programme de recherche sur la ville : PIRVilles   créé le 14 avril 1992 (Gabriel Dupuy).
  • Programme de recherche sur les technologies sobres et propres ECOTECH créé le 12 juillet 1993 (Benjamin Dessus

1996, 1997 et au‑delà les “programmes du CNRS”

En 1996, le directeur général M. Guy Aubert décidait donc de construire une politique de « programmes du CNRS », beaucoup plus ouverte et ambitieuse que celle des PIR existant alors; des PIR soutenant des recherches de plusieurs départements; des programmes pour marquer des priorités au sein des activités d’un département.

Conclusion

Plus de trente ans après sa création, le concept de programmes de recherche reste en vigueur au CNRS. L’organisation d’une recherche collective et pluridisciplinaire, répond aux aspirations de nombreux chercheurs qui sont parfois las d’une approche trop individualiste et élitiste de la recherche. Elle est bien adaptée à la solution de problèmes complexes que la société, l’industrie, l’environnement, la santé… posent à la science. Les programmes de recherche donnent une visibilité aux activités de recherche.

C’est pourquoi je propose de rendre hommage à M. Robert Chabbal qui a introduit en 1976 au CNRS le concept de programme, innovation importante et fructueuse pour l’établissement et pour la recherche française. Je souhaite également remercier les directeurs généraux du CNRS, qui nous ont permis de poursuivre l’activité amorcée par le PIRDES.